jeudi, mars 01, 2007

Figurec

Et si tout était faux ? Votre meilleur ami qui vous accompagne depuis la maternelle, la petite amie qui sait si bien discuter avec vos parents lors des repas dominicaux, le frangin pénible… Et si toutes ces personnes n’étaient finalement que de simples figurants : des gens payés pour tenir un rôle dans votre vie. Basé sur un roman de Fabrice Caro, Figurec (Casterman) de Christian De Metter, développe cette idée jusqu’à l’absurde. Même les clients des supermarchés font de la figuration. Payés par des firmes, ils remplissent leurs caddies avec certains produits pour susciter l’acte d’achat. Un jeune auteur de théâtre découvre l’existence de la puissante société qui loue ainsi d’innombrables figurants. Dans un périlleux jeu de chats et de souris, il va tenter d’en percer le mystère. Certaines libertés dans l’adaptation du roman de Fabrice Caro, rendent parfois la trame de la BD caduque. Ainsi, on comprend mal comment une société inconnue du grand public arrive à décrocher autant de clients lambda. Mais qu’importe. L’efficacité du dessin de Christian De Metter arrive à estomper les petites imperfections du récit.

vendredi, février 09, 2007

Les âmes sombres

La rue est une jungle. Pour tenter d'y survivre, il faut se trouver une tribu. Cette règle élémentaire, Mélodie, une grand-mère atypique, va l’apprendre, à ses dépens.Sans domicile fixe, elle voyage sur les routes de France avec pour seul bagage un livre – Maximes et proverbes du monde – et sa foi en la bonté humaine. Au début de l’album Les âmes sombres (Delcourt), de Marc Vlieger, on la retrouve à Bruxelles, dans le quartier européen. Là, entre les soupes gratuites distribuées dans les couloirs de la gare Centrale et les chancres urbains, elle finit par partager un squat avec une bande de voyous dirigée par Ralf, leader charismatique, mais sans scrupules. Avec ses comparses, il a développé des techniques de survie qui ne s’embarrassent pas de conventions sociales. Pour lui, la faim justifie réellement les moyens et le braquage d’une pompe à essence est la seule manière de remplir le caddie que Mélodie, en cantinière de fortune, est priée de transformer en plantureux repas. La cruauté et l’absence de pitié de Ralf seront finalement fatales à la cohésion du groupe.

Un traitement graphique un peu moins léché aurait renforcé l’atmosphère de cette histoire désespérée dans laquelle l’éclaircie finale paraît bien ténue.

vendredi, février 02, 2007

Gus, le mystère de l’ouest

Il y a du Lucky Luc dans le Gus (Dargaud) de Christophe Blain. Mais du Lucky Luc humain, avec des préoccupations aussi terre-à-terre que la poussière des plaines du Far West qu’il arpente avec ses deux acolytes, Clem et Gratt. Ensemble, ils échafaudent des plans, de vraies machinations d’outlaws. Entre deux attaques de trains et une poursuite de diligence, ils n’en oublient cependant pas la chose essentielle : chercher l’âme sœur. Le soir, assis à la table de leur petite cahute de bois, ils rédigent et raturent des lettres d’amour qu’ils oublient d’envoyer. Pour combler leurs manques, les trois pistoleros d’opérette décident de partir en virer à El Dorado, « l’endroit ultime », la ville où les femmes sont libres. De chasseurs qu’ils pensent être, ils deviendront rapidement des proies. Les jolies demoiselles de El Dorado joueront, en effet, de tous leurs artifices pour les mener par le bout du nez que Gus a particulièrement long.Compilation de cinq histoires burlesques et déjantées, ce premier album des aventures de Gus est un véritable bonheur pour les zygomatiques. Comme avec son Isaac le Pirate, Blain prouve, encore une fois, que l’émotion peut naître d’un simple trait. Un régal !

jeudi, janvier 25, 2007

Black Hole

Se plonger dans l’intégrale de Black Hole (Delcourt), c’est prendre un buvard pour un voyage fantasmagorique : un trip unique dans la vie et les préoccupations des jeunes américains du début des années 1980. Selon que l’on accroche, ou non, à l’univers graphique percutant de Charles Burns, l’expérience sera inoubliable ou cauchemardesque.

En presque 400 pages d’un noir et blanc tranché, l’ancien collaborateur de Art Spiegelman raconte la progression d’une étrange maladie dans la population d’une petite ville américaine. Baptisé « la crève », le mal affecte exclusivement les adolescents. Aussi variés qu’imprévisibles, les symptômes de l’infection sont souvent d’infectes mutations qui finissent par diviser les gens : ceux qui en réchappent et les autres que l’on ne veut plus voir. Pour essayer de vivre avec cette peste moderne, les plus touchés n’ont qu’une alternative : se réfugier dans les bois. Non mortelle au départ, la maladie, par l’exclusion qu’elle suscite, finira par devenir létale.

En plus de l’étude sociologique d’une époque, Black Hole démontre que Charles Burns excelle dans l’art du cadrage et du récit. Certaines de ses planches mériteraient d’être exposées au musée des auteurs fantastiques. Il ne reste plus qu’à le créer.

jeudi, janvier 18, 2007

Fleurs d'ébène

Congo belge, peu de temps avant l’indépendance. Jean, fonctionnaire de police épris de jeunes filles d’ébène, voit sa vie partir à vau-l'eau. Sa femme vient de déserter la maison familiale pour se réfugier, avec ses deux filles, chez son amant : un haut fonctionnaire… noir.
Dans le microcosme colonial, ce genre de détail ne pardonne pas.
C'est donc sous les regards suffisants de ses compatriotes, qu'il enquête sur le décès suspect d’un « nègre », écrasé par une voiture. Rapidement, l’affaire, anodine en apparence, se révèle pourrie. Le mort est un opposant au gouvernement, et la sûreté belge ne semble pas être étrangère à ce meurtre maquillé en accident. En plus de la méfiance des indigènes, Jean devra affronter la fatuité de ses compatriotes pour tenter de découvrir la vérité. Une vérité qui, le conduira probablement à sa perte ou, tout le moins, à son départ du Congo.

Avec l'album Fleurs d'ébène (Casterman), Warnauts et Raives reviennent à leurs amours africaines. Comme à l’accoutumée, on tombe sous le charme de cette histoire qui raconte, si bien, la nostalgie de notre ancienne colonie.

mercredi, janvier 10, 2007

La terre entre les deux caps

Ce n’est pas la couleur de l’uniforme qui fait le bon ou le mauvais soldat. Cinquante ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, quatre vétérans de nationalité différente se retrouvent dans un petit village de la côte d'Opale. Entre le cap Blanc-Nez et le Cap Gris-Nez, ils arpentent les plages à la recherche d’un passé tourmenté. Erwin, l'Allemand, se souvient de son ami que l’on a retrouvé égorgé, un matin, dans les dunes. Il pense aussi à cette jeune femme qui lui avait promis de revenir dans ce village de France. Archie, l’Anglais qui a laissé une jambe dans le désert en combattant Rommel, se perd, lui, dans la contemplation des étendues sableuses balayées par le vent... Premier album de la série War and Dreams (Casterman), La terre entre les deux caps, jete les bases d’une intrigue dont on sait que les ennemis d’hier sortiront, si pas amis, probablement réconciliés. Traitée en peinture directe par un Jean-François Charles au mieux de sa forme, cette belle histoire souffre parfois de sa gentille naïveté. C’est particulièrement vrai dans les parties contemporaines du récit, quand les anciens expliquent à leurs petits-enfants les ravages de la guerre.

mardi, janvier 09, 2007

Les 50 albums de 2006 les plus cités par les membres de l'Association des Journalistes et Critiques de Bande Dessinée (ACBD)

• “Un taxi nommé Nadir“ par Gilles Tévessin et Romain Multier, Actes Sud
• “Jack Palmer T.13 : L'affaire du voile“ par René Pétillon, Albin Michel
• “La grande toile“ par Gabriel Liniero Ippoliti et Diego Agrimbau, Albin Michel
• “Lupus T.4“ par Frederik Peeters, Atrabile
• “Paris liberté : le parfum de l'espoir“ par Julio Ribera, Bamboo
• “Pedro & moi“ par Judd Winick, çà et la
• “Le sommeil du monstre T.3 : Rendez-vous à Paris“ par Enki Bilal, Casterman
• “Magasin général T.1 et 2“ par Régis Loisel et Jean-Louis Tripp, Casterman
• “80 jours“ par Nicolas Vadot et Olivier Guéret, Casterman
• “Le sang des voyous“ par Jacques de Loustal et Philippe Paringaux, Casterman
• “Un ciel radieux“ par Jirô Taniguchi, Casterman
• “Dix de der“ par Didier Comès, Casterman
• “Le secret de l’étrangleur“ par Jacques Tardi d'après Pierre Siniac, Casterman
• “Lily Love Peacock“ par Fred Bernard, Casterman
• “La vengeance du comte Skarbek T.2 : Un cœur de bronze“ par Grzegorz Rosinski et Yves Sente, Dargaud
• “Le combat ordinaire T.3 : Ce qui est précieux“ par Manu Larcenet, Dargaud
• “Le Marquis d'Anaon T.4 : La bête“ par Matthieu Bonhomme et Fabien Velhmann, Dargaud
• “La sirène des pompiers“ par Fred Zanzim et Hubert, Dargaud
• “Les cinq conteurs de Bagdad“ par Franz Duchazeau et Fabien Velhmann, Dargaud
• “Le long voyage de Léna“ par André Juillard et Pierre Christin, Dargaud
• “Noir métal : au cœur de MetalEurop“ par Jean-Luc Loyer et Xavier Bétaucourt, Delcourt
• “Pourquoi j'ai tué Pierre“ par Alfred et Olivier Ka, Delcourt
• “World Trade Angels“ par Laurent Cillufo et Fabrice Collin, Denoël Graphic
• “Le maître de Ballantrae T.1“ par Hyppolite d'après Robert L. Stevenson, Denoël Graphic
• “Fun Home : une tragi-comédie familiale“ par Alison Bechdel, Denoël Graphic
• “Le photographe T.3“ par Emmanuel Guibert et Didier Lefèvre, Dupuis
• “Quintett T.3 et 4“ par Steve Cuzor, Jean-Charles Kraehn et Frank Giroud, Dupuis
• “L’enragé T.2“ par Baru, , Dupuis
• “Pourquoi les baleines bleues viennent-elles s'échouer sur nos rivages ?“ par Emmanuel Moynot, Dupuis
• “Leçon de choses“ par Grégory Mardon, Dupuis
• “Les 3 petits cochons“ par Aurélien Morinière et Tarek, EP Éditions
• “Petite histoire des colonies françaises T.1 : L'Amérique française“ par Otto T. et Grégory Jarry, Flblb
• “Le ciel au-dessus de Bruxelles T.1 : [avant]...“ par Bernard Yslaire, Futuropolis
• “Lucille“ par Ludovic Debeurme, Futuropolis
• “Abdallahi T.1 : Dans l'intimité des terres“ par Jean-Denis Pendanx et Christophe Dabitch,
Futuropolis
• “Les petits ruisseaux“ par Pascal Rabaté, Futuropolis
• “La mémoire dans les poches T.1“ par Étienne Le Roux et Luc Brunschwig, Futuropolis
• “La volupté“ par Blutch, Futuropolis
• “La Marie en plastique T.1“ par David Prudhomme et Pascal Rabaté, Futuropolis
• “Un homme est mort“ par Étienne Davodeau et Kris, Futuropolis
• “Les sous-sols du révolu“ par Marc-Antoine Mathieu, Futuropolis - Musée du Louvre
• “Aya de Yopougon T.1 et 2“ par Clément Oubrerie et Marguerite Abouet, Gallimard
• “Glaucos T.1“ par Akio Tanaka, Glénat Mangas
• “Le pays des cerisiers“ par Fumiyo Kouno, Kana
• “Le voyage d'Esteban T.2 : Traqués !“ par Matthieu Bonhomme, Kana
• “La bicyclette rouge T.2 et 3“ par Kim Dong Hwa, Paquet
• “Les carnets de Georg Weiss T.1-Le testament du docteur Weiss“ par Benoît Frebourg et Clod, Petit à Petit
• “Oreillers de laque : du vent sur les fleurs“ par Hinako Sugiura, Picquier
• “Henri Désiré Landru“ par Christophe Chabouté, Vents d’Ouest
• “Erminio le Milanais“ par Erwan Surcouf, Joseph Béhé et Amandine Laprun, Vents d’Ouest

jeudi, janvier 04, 2007

Jérusalem d’Afrique

Est-on vraiment humain quand on passe plus de temps le nez dans ses bouquins que dans le lit de sa femme ? Même s’il ne le dit pas, le chat du rabbin n’aime pas trop le mari de la belle Zlabya, la fille de son maître. Alors, quand un type inconnu sort de la caisse de bouquins talmudiques commandés par le mari, il ne peut s’empêcher de sourire dans ses babines : le vaudeville semble toquer à la porte. Il n’en est heureusement rien. Juif russe fuyant les exactions de la révolution, l’inconnu est un peintre qui souhaite redécouvrir la Jérusalem d’Afrique (Dargaud). À bord d'une autochenille, clin d’œil à la "Croisière Noire" de Citroën, le rabbin, son chat, le Russe et le cheikh Sfar - qui passait par là -, s'embarquent pour un périple qui leur fera croiser, un aristocrate russe amateur d’alcool, de femmes, de tabac et de littérature, des bédouins à cheval sur les principes religieux et une jolie serveuse aux yeux merveilleux. Moins hermétique que les précédents opus, ce cinquième album du Chat du Rabbin de Joann Sfar donne plus de place à l’aventure et se permet quelques planches satiriques dont notre Tintin national ne sort pas indemne.

lundi, janvier 01, 2007

Premier!

La bonne est heureuse! (et moi aussi...)

dimanche, décembre 24, 2006

Coups de coeur BD 2006

Les Petits Ruisseaux , par Pascal Rabaté (Futuropolis). Gentils petits vieux à la retraite, Edmond et Pierre passent leurs journées à taquiner le goujon. Un matin, Edmond ne se réveille pas. Pour Pierre, la disparition de son ami est l'occasion de reprendre sa vie en main : sex, drug and rock'n roll jusqu'à l'extinction finale ! Une petite perle d'humanité.

Magasin Général , par Régis Loisel et Jean-Louis Tripp (Casterman). Neige, soupe chaude et vie dans un petit village du Québec des années 1940. Entre chronique rurale et étude sociale, les deux auteurs naviguent brillamment dans les paysages d'un Canada encore sauvage. Une histoire simple, comme les gens.

Lucille , par Ludovic Debeurme (Futuropolis). De l'âge tendre à l'âge bête, Lucille et Arthur, deux adolescents, se cherchent dans une vie qui n'est ni facile ni douce. Epaulé par une bichromie efficace, ce récit dessiné de 500 pages trouve le ton juste pour donner vie à deux êtres de papier. Désarmant.

Futuropolis a décidément le don pour dénicher les créateurs...

samedi, décembre 23, 2006

Diptyque coréen

Non, l'Asie ne produit pas que des mangas. La preuve avec Corée (Casterman), un ouvrage collectif dans lequel 12 dessinateurs exposent leur vision du pays du Matin calme. Aux commandes de ce recueil, on retrouve, bien entendu, des auteurs coréens (Lee Doo-ho, Park Heung-yong, Choi Kyu-sok, Byun Ki-hyun, Chae Min, Lee Hee-jae), mais également des Européens (Catel Muller, Igort, Guillaume Bouzard, Hervé Tanquerelle, Vanyda et Mathieu Sapin) qui ont fait le déplacement à Séoul pour rencontrer leurs homologues du pays de la rose de Sharon.
De cette réunion d'artistes, on pensait ressortir avec deux styles bien précis. Un cliché, en définitive. Après lecture, on constate qu'il n'en est rien : chacun semble avoir largement puisé son inspiration chez l'autre. Aussi bien sur le découpage de la narration que sur les ressorts des intrigues, on retrouve des techniques similaires. Uniformisés par un traitement en noir et blanc, le dessin ne montre pas de grande différence culturelle, hormis, bien entendue, celle propre à chaque auteur. Plus fenêtre que miroir, ce recueil est avant tout une formidable envie de faire découvrir une culture et une création en pleine effervescence.

jeudi, décembre 21, 2006

Bérurier Noir - Invisible

Le cerf, le druide et le loup - ­Coup d'état de la jeunesse - Dans un rêve flamboyant - Love in Laos - E.S.B. (Empire State Bulldog) - L'enfant bleu - La pluie - On en a marre - La fille du delta... Invisible, le nouvel et ultime album de Bérurier Noir propose 12 histoires inédites. "Mélange d'espoir désabusé, de spontanéité enfantine et d'une sincérité toujours enragée, cette galette reste fortement influencée par les parcours personnels de chacun des membres du groupe durant ces 15 années d'invisibilité"... Info sur Folklore de la Zone Mondiale. A voir également sur le site Coup d'Etat de la Jeunesse, un clip réalisé par Regarde à Vue. Bof, bof...

La fiesta bérurière

Quinze ans après leur séparation, les Bérurier Noir ont repris le chemin de la scène. Pour un baroud d’honneur à durée indéterminée

Rien. Et puis, sans prévenir, les lumières de la grande scène du festival de Dour enflamment le grand cirque Béru. Tel un courant, les premiers tempos binaires de la boîte à rythmes électrisent les crêtes colorées. Perçant la foule, les punks, jusque-là passifs, se précipitent vers les premiers rangs pour poursuivre la valse des pogos amorcés il y a des années. Vivre libre ou mourir, Petit agité, Amputé, Porcherie… Comme lors de leur dernier concert belge donné au Plan K à Bruxelles, fin 1988, les textes provocateurs des chantres du rock alternatif français continuent à faire mouche. Sur scène, la foire jubilatoire est de retour. Entre les cracheurs de feu, les jongleurs et les échassiers, la dizaine de Béru lâchés sur les planches jouent des déguisements pour appuyer des chansons dont la musique n’a pas gagné en finesse. Cela reste lourd, primaire et tribal. Mais c’est jouissif et sans concession.

Avec le recul, on se dit que la raïa bérurière mérite sa place au panthéon du rock français. Charnière après les années Trust et Téléphone, elle a ouvert la voie aux Négresses vertes et à la Mano Negra. Comme les Clash pour les années 1980, les Béru ont préparé le terrain aux groupes francophones des années 1990. « On reste des amateurs du rock, explique François, l’un des chanteurs et le parolier du groupe. En 1983, lorsqu’a commencé l’aventure, nous étions simplement ensemble dans la rue. On s’est juste pris en main : la musique, c’était une alternative à la délinquance. On aurait tout aussi bien pu monter un collectif de cinéma ou de BD.» A la dissolution inattendue du groupe en 1989, «on évoluait plus, précise Masto, le saxo», chacun retournera à ses premières occupations : terminer sa thèse d’histoire pour l’un, photographie et écriture d’un ouvrage sur les arbres pour l’autre, ou encore du théâtre de rue. Avec des groupes comme Molodoï, Les Anges Déchus, Tromatism ou encore Junior Cony…, les membres du groupe n’en restent pas moins actifs dans la musique. « Il existe des milliers de groupes alternatifs, mais la presse n’en parle jamais», s’impatiente le responsable de la sécurité des Béru, lorsque l’on évoque la pauvreté du rock français. « J'ai fait entre 300 et 400 concerts dans des squats à travers l'Europe, poursuit Loran, guitariste et chanteur, et je n'ai jamais vu un seul journaliste de la presse officielle. »

Pourtant, du Monde à Libération, les médias ne manqueront pas d’évoquer la passion du public – et les débordements de celui-ci – lors du concert surprise donné par les Bérurier au Transmusicales de Rennes 2003. Un engouement tel que les organisateurs seront obligés de laisser entrer les spectateurs sans billet. Le 11 juillet dernier, c’est plus de 60 000 personnes qui sont venus les saluer au Festival de Québec. Bonheur pour les aficionados belges, le troisième – et dernier ? – concert de la « déformation officielle » eut lieu à Dour. « Dour est un des seuls festivals qui n’est pas encore "clearchanelisés", sourit Loran. Ce qui ne veut pas dire qu’il est parfait. Les organisateurs peuvent encore faire un effort. Les chiottes payantes, par exemple, c’est hallucinant ! Il y a moyen qu’un festival soit viable autrement. » Pas avec la pub, si l’on suit la logique du groupe... Avant de monter sur scène, les iconoclastes ont exigé le déboulonnage de toutes les bannières publicitaires présentes sur le site. Un geste que de nombreux organisateurs n’auront pas à poser. «Pas question de rempiler comme avant, précise François. Si le groupe est d’accord pour poursuivre l’aventure bérurière, on n’en connaît pas encore la forme. Dans un premier temps, nous allons utiliser notre nouveau label Folklore de la Zone Mondiale pour produire des formations moins connues. » Un label qui devrait également accueillir un nouvel album dont quelques inédits ont été distillés au concert de Dour. Rien, par contre, ne semble encore décidé pour une éventuelle tournée… « Au pays de L'Empereur Tomato-Ketchup, les enfants sont rois et ils font la loi ! Tournicoti, tournicoton.»

lundi, décembre 18, 2006

Corto Maltesse - littérature dessinée

Compilation d’anciennes d’interviews mâtinée de quelques trop rares dessins originaux, Corto Maltesse - littérature dessinée (Casterman) ne devrait pas impressionner les inconditionnels d’Hugo Pratt. Onze ans après la disparition du prolifique auteur, on se dit que la machine à billets fonctionne encore. Un ouvrage à réserver exclusivement aux fans du ténébreux marin ou aux novices curieux de découvrir certaines facettes de l’extraordinaire dessinateur italien.

samedi, décembre 16, 2006

Le blues des consultants

[Pour Noël, je me paie un petit voyage dans mes archives. Petit billet d'humeur écrit en 2001 (déjà).]

Juin 1999, l’Internet ronronne. Le potentiel de la Toile semble inépuisable, l’euphorie gagne l’ensemble des acteurs qui rêvent déjà d’un nouvel eldorado, d’une nouvelle économie qui remplacerait l’ancienne. Tous les indicateurs sont au vert. C’est donc sans trop se mouiller que les consultants enfoncent le clou. «Les fournisseurs de contenu sont en mesure de tirer des revenus de la publicité en ligne, qui devrait augmenter à un taux moyen de 33 % par an […]De nouvelles applications tels le commerce électronique, la télévision numérique et interactive, la visiophonie et Internet pourraient porter l'utilisation du réseau à plus de 4 millions de térabits par jour en l'an 2003… » Ce genre de calembredaines, fondées sur on ne sait quels constats, ne sortent pas d’un petit cabinet aux ressources limitées, mais bien d’un mastodonte de la consultance, actif dans une trentaine de pays et qui emploie plus de 60 000 personnes. Or, déjà à l’époque, il n’était pas nécessaire de recourir aux services de madame Irma pour pressentir un désintérêt des internautes pour la publicité en ligne qui ne rapporte, encore aujourd’hui, que des clopinettes. Quant à l’attrait des surfeurs pour l’e-commerce ou la télévision interactive (on la cherche toujours) rien ne permettait (et surtout pas les dettes monstrueuses accumulées par les pionniers en la matière) d’avancer des chiffres aussi ahurissants.

Qu’à cela ne tienne, dopés par ces oracles, de nombreuses sociétés débutent l’aventure du B2C (Business to Consumer), avec des projets s’appuyant sur les sages recommandations de ces consultants. « Les entreprises qui ne sont pas à l'écoute des besoins du consommateur sont vouées à une mort prochaine » « Un sondage sur les habitudes d’achat par Internet fait ressortir l’incidence du sexe, de l’âge et du revenu sur le magasinage en ligne ». Et de nous expliquer sur trente pages, que si les hommes achètent du matériel informatique en ligne, les femmes se rabattent plutôt sur les bouquins ou les parfums... Face au Net, les chefs d’entreprises auraient-ils perdu à ce point leur flair qu’ils leur faillent s’appuyer sur ce genre de banalités pour sentir le marché ?

Las, malgré ces bons conseils, « les internautes sont très majoritairement en faveur d’un contenu pertinent » (il y a donc des personnes qui recherches des contenus vides de sens ?) et des phrases aussi péremptoires que « l’année 2000 va entrer dans l’histoire comme l’année d’explosion des dot.com » (de quelle explosion voulaient-ils parler ?), on a revu les exigences à la baisse, et dirigé le marché vers le B2B (Business to Business), ou le commerce inter-entreprises, promis, lui, « à un bel avenir »… Il faudra cependant se méfier des problèmes de sécurité (l’actuel cheval de bataille des consultants) et trouver - pourquoi pas ? - des appuis au sein des futurs e-gouvernements, la prochaine grande affaire des visionnaires.

A rebours, la critique paraît facile. Aussi facile que les gains engrangés par ces sociétés, que l’on dit prestigieuses, et dont les experts font souvent la pluie et le beau temps. On imagine en effet assez mal une décision se rapportant au Net sans un argumentaire abondamment étayé par une grosse et grasse étude largement rétribuée. Avec une chance sur deux, pourquoi ne pas tenter l’augure ? « Après un an de traversée du désert, les nouvelles technologies vont reprendre du poil de la bête début 2002. Risque de cafouillages au passage de l’Euro. Attention cependant aux télécommunications mobiles. Trop endettés, les opérateurs pourraient manquer de cash pour déployer leurs coûteuses licences UMTS. Le particulier devra, quant à lui, progressivement s’habituer à la disparition du « tout gratuit » - ça ne rapporte rien - et à la perte progressive de sa sphère privée . A défaut de totales exactitudes, ces prévisions ont le mérite d’être gracieuses et sincères. Qualités trop rares au royaume des e-prophètes.

jeudi, décembre 14, 2006

Christophe Chabouté

Sous la lune, quand les lapins blancs sont noirs et que les loups bruns deviennent gris, il y a du Christophe Chabouté dans l’air. Prince du noir et blanc, le dessinateur alsacien voit ses premiers albums (Sorcières, Zoé, Pleine Lune et La Bête) réédités dans une intégrale (Vents d’Ouest) à couper le souffle. Difficile, en effet, de lâcher ces 500 pages où le fantastique prend racine dans un quotidien qui tient parfois du théâtre d’ombres chinoises. Bois sombres, bleds perdus ou paysages campagnards asphyxiés par un trop lourd manteau de neige, la fantasmagorie perce à chaque case. Denses et captivantes, les histoires de Chabouté sont à ranger précieusement entre les œuvres de Pratt et Comès. C’est dire…

Comme des cons!

Séjour de travail à Paris avec un rédacteur en chef adjoint ultra tendance (même si c'est pas visible, c'est le type sur la photo à droite) ... Entre deux réunions et trois restos, il ne nous a pas été possible de résister aux illuminations des vitrines des magasins du Printemps. Tels des lépidoptères enivrés par la lumière, nous nous sommes ébaudis devant des tableaux où des casseroles animées chantaient en coeur les joies de Noël. Disneyland en toc pour deux couillons...

mercredi, décembre 13, 2006

Avel

Pour qui a le moral dans les talons, un paysage côtier balayé par une bise hivernale peut s’apparenter à un coup de grâce. Pour un autre, il sera source d’inspiration romantique. Ce qui est certain, c’est qu’on associe souvent un tel paysage à la solitude.
L’excellent scénariste Dufaux, a fait d’une station balnéaire de la mer du Nord, le point de départ des aventures d’Avel, un espion romantique rattrapé par son passé. Quatre albums plus loin - et un détour par la Tchétchénie et la mafia - l’histoire se termine tragiquement (ou stupidement, c’est selon) dans la neige moscovite. Même s’il s’agit surtout, ici, de rentabiliser son catalogue, Glénat a eu la riche idée de rééditer l’intégrale de la série, en l’agrémentant d’un bonus de 14 planches inédites. Outre, le plaisir de retrouver une histoire qui a bien vieilli (le premier volume date tout de même de 1991) cette intégrale permet de se faire une idée de l'évolution du trait du dessinateur Christian Durieux. Un artisan des planches qui mérite une plus grande reconnaissance.

jeudi, décembre 07, 2006

Abdallahi

« Un soir, j'ai assis la Beauté sur mes genoux… » Dans les couleurs de Jean-Denis Pendaux, on retrouve l'étouffante chaleur du soleil africain. La seule chaleur capable d'annihiler toute tentative de rébellion au sein d'une caravane d'esclaves en route pour Tombouctou. Dans cette caravane, René Caillié s'est juré d'être le premier Blanc à parcourir les ruelles de cette ville mythique. Clôturant magistralement le récit de voyage d'un aventurier du XVIIe siècle, cette seconde - et dernière - partie de Abdallahi (Futuropolis) met brillamment en scène une large palette de sentiments humains. Où quand un périple homérique se transforme en un cheminement intellectuel vers une autre pensée, celle de l'islam.

Belem

Est-ce parce qu’il est construit autour de la retranscription des notes rédigés par un jeune mousse lors de son premier voyage à bord d’un trois-mâts que l’album Belem (Glénat) arrive si bien à nous transporter du port de Saint-Nazaire aux cote du Brésil ? Classique dans son découpage et son dessin, Belem possède ce petit supplément d’âme qui fait que l’on n’hésite pas à s’embarquer pour la grande traversée.