jeudi, mars 29, 2007

Les Yeux de Leïla

Kessel, Saint Ex, Théodore Monod, et même les Scorpions du désert, de Hugo Pratt… Les références ne manquent pas quand il s’agit d’évoquer Les yeux de Leïla (Vents d’Ouest). Se limiter à ces seules évocations ne rendrait cependant pas hommage au travail de Jérôme Heydon. D’un trait simple, en déclinaisons chromatiques aussi tranchées que la chaleur ou le froid du Sahara, il réussit à esquisser l’amour, pas moins.
L’amour du désert, bien sur. L’amour des tribus targuies aussi. Mais surtout l’amour d’une femme : le seul capable de transformer un jeune écrivain en quête d’aventures en homme de doutes et de questions.
C’est fin, léché et bien construit. Si ce n’est pas du Delacroix, ça y ressemble parfois.

jeudi, mars 15, 2007

Pandemonium

Etablissement réputé des Etats-Unis en matière de traitement de la tuberculose, le Waverly Hills Sanatorium connut, entre 1920 et 1960, plus de 63 000 décès. Aujourd’hui en ruine, l’énorme bâtiment en forme d’ailes de chauve-souris, a été classé parmi les 10 endroits les plus effrayants de la planète. L’album Pandemonium (Les Humanoïdes Associés), de Christophe Bec et Stefano Raffaele, propose une plongée dans l’indicible histoire de l’hôpital. Fillette tuberculeuse et déjà condamnée par le bacille de Koch, la petite Cora sera votre guide. Comme elle parle aux morts, elle vous dévoilera les secrets les moins avouables du lieu. Classique dans sa construction, cette histoire abuse de toutes les ficelles du genre fantastique sans jamais les user pour autant. Bienvenue à Waverly, l’antichambre de la mort !

mardi, mars 06, 2007

Là où vont nos pères

Sublime ! Avec Là où vont nos pères (Dargaud), de Tan Shaun, on tient déjà un des albums phares de l’année 2007. Sans une ligne de texte, à la seule force de son trait soigné, le dessinateur australien arrive à construire une histoire d’une humanité déconcertante. Comme le père que l’on suit tout au long du récit, on est perdu lorsque l’on débarque en pays inconnu. L’univers paraît absurde, les objets sont incongrus, et l’on ne comprend pas pourquoi et où il faut aller. Ce n’est qu’en progressant dans l’histoire que l’on finit par appréhender ce monde étrange riche en promesses. Comme des millions d’humains, le père est là pour trouver un emploi synonyme de vie pour sa femme et sa petite fille restée au pays. Seul, il va devoir s’installer, se recréer des connaissances avant de pouvoir faire venir sa famille.
En prenant le parti de nous placer dans la peau d’un homme qui a dû se lancer dans le néant pour avoir le droit de vivre, Tan Shaun réussit à nous dérouter et à nous faire toucher la solitude d’un immigré économique. Du grand art, assurément.

jeudi, mars 01, 2007

Figurec

Et si tout était faux ? Votre meilleur ami qui vous accompagne depuis la maternelle, la petite amie qui sait si bien discuter avec vos parents lors des repas dominicaux, le frangin pénible… Et si toutes ces personnes n’étaient finalement que de simples figurants : des gens payés pour tenir un rôle dans votre vie. Basé sur un roman de Fabrice Caro, Figurec (Casterman) de Christian De Metter, développe cette idée jusqu’à l’absurde. Même les clients des supermarchés font de la figuration. Payés par des firmes, ils remplissent leurs caddies avec certains produits pour susciter l’acte d’achat. Un jeune auteur de théâtre découvre l’existence de la puissante société qui loue ainsi d’innombrables figurants. Dans un périlleux jeu de chats et de souris, il va tenter d’en percer le mystère. Certaines libertés dans l’adaptation du roman de Fabrice Caro, rendent parfois la trame de la BD caduque. Ainsi, on comprend mal comment une société inconnue du grand public arrive à décrocher autant de clients lambda. Mais qu’importe. L’efficacité du dessin de Christian De Metter arrive à estomper les petites imperfections du récit.