jeudi, décembre 21, 2006

La fiesta bérurière

Quinze ans après leur séparation, les Bérurier Noir ont repris le chemin de la scène. Pour un baroud d’honneur à durée indéterminée

Rien. Et puis, sans prévenir, les lumières de la grande scène du festival de Dour enflamment le grand cirque Béru. Tel un courant, les premiers tempos binaires de la boîte à rythmes électrisent les crêtes colorées. Perçant la foule, les punks, jusque-là passifs, se précipitent vers les premiers rangs pour poursuivre la valse des pogos amorcés il y a des années. Vivre libre ou mourir, Petit agité, Amputé, Porcherie… Comme lors de leur dernier concert belge donné au Plan K à Bruxelles, fin 1988, les textes provocateurs des chantres du rock alternatif français continuent à faire mouche. Sur scène, la foire jubilatoire est de retour. Entre les cracheurs de feu, les jongleurs et les échassiers, la dizaine de Béru lâchés sur les planches jouent des déguisements pour appuyer des chansons dont la musique n’a pas gagné en finesse. Cela reste lourd, primaire et tribal. Mais c’est jouissif et sans concession.

Avec le recul, on se dit que la raïa bérurière mérite sa place au panthéon du rock français. Charnière après les années Trust et Téléphone, elle a ouvert la voie aux Négresses vertes et à la Mano Negra. Comme les Clash pour les années 1980, les Béru ont préparé le terrain aux groupes francophones des années 1990. « On reste des amateurs du rock, explique François, l’un des chanteurs et le parolier du groupe. En 1983, lorsqu’a commencé l’aventure, nous étions simplement ensemble dans la rue. On s’est juste pris en main : la musique, c’était une alternative à la délinquance. On aurait tout aussi bien pu monter un collectif de cinéma ou de BD.» A la dissolution inattendue du groupe en 1989, «on évoluait plus, précise Masto, le saxo», chacun retournera à ses premières occupations : terminer sa thèse d’histoire pour l’un, photographie et écriture d’un ouvrage sur les arbres pour l’autre, ou encore du théâtre de rue. Avec des groupes comme Molodoï, Les Anges Déchus, Tromatism ou encore Junior Cony…, les membres du groupe n’en restent pas moins actifs dans la musique. « Il existe des milliers de groupes alternatifs, mais la presse n’en parle jamais», s’impatiente le responsable de la sécurité des Béru, lorsque l’on évoque la pauvreté du rock français. « J'ai fait entre 300 et 400 concerts dans des squats à travers l'Europe, poursuit Loran, guitariste et chanteur, et je n'ai jamais vu un seul journaliste de la presse officielle. »

Pourtant, du Monde à Libération, les médias ne manqueront pas d’évoquer la passion du public – et les débordements de celui-ci – lors du concert surprise donné par les Bérurier au Transmusicales de Rennes 2003. Un engouement tel que les organisateurs seront obligés de laisser entrer les spectateurs sans billet. Le 11 juillet dernier, c’est plus de 60 000 personnes qui sont venus les saluer au Festival de Québec. Bonheur pour les aficionados belges, le troisième – et dernier ? – concert de la « déformation officielle » eut lieu à Dour. « Dour est un des seuls festivals qui n’est pas encore "clearchanelisés", sourit Loran. Ce qui ne veut pas dire qu’il est parfait. Les organisateurs peuvent encore faire un effort. Les chiottes payantes, par exemple, c’est hallucinant ! Il y a moyen qu’un festival soit viable autrement. » Pas avec la pub, si l’on suit la logique du groupe... Avant de monter sur scène, les iconoclastes ont exigé le déboulonnage de toutes les bannières publicitaires présentes sur le site. Un geste que de nombreux organisateurs n’auront pas à poser. «Pas question de rempiler comme avant, précise François. Si le groupe est d’accord pour poursuivre l’aventure bérurière, on n’en connaît pas encore la forme. Dans un premier temps, nous allons utiliser notre nouveau label Folklore de la Zone Mondiale pour produire des formations moins connues. » Un label qui devrait également accueillir un nouvel album dont quelques inédits ont été distillés au concert de Dour. Rien, par contre, ne semble encore décidé pour une éventuelle tournée… « Au pays de L'Empereur Tomato-Ketchup, les enfants sont rois et ils font la loi ! Tournicoti, tournicoton.»

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