samedi, avril 28, 2007

Moby Dick

Herman Melville, Daniel Defoe ou encore Alexandre Dumas… Plusieurs éditeurs ont décidé de remettre des maîtres du roman d’aventures au goût du jour. Sous le crayon de Denis Deprez, c’est Ismahel, le narrateur de Moby Dick (Casterman) qui prend une nouvelle dimension. Même si le capitaine Achab, le commandant du baleinier Péquod, écume toujours les mers à la recherche du cachalot blanc qui lui a emporté la jambe, le roman de Melville paraît, ici, plus sombre. Le trait de Deprez (déjà auteur d’un Frankenstein) n’a, en effet, pas son pareil quand il s’agit de dessiner une mer déchirée par un orage de fin du monde ou l’ambiance sordide d’un bouge de marins. Surprenant, mais un peu lourd, parfois.

Avec la collection Ex-Libris, Delcourt joue la carte d’une BD plus classique pour l’adaptation de Robinson Crusoé et des Trois mousquetaires. Prévues en trois tomes, les aventures du célèbre naufragé profitent pleinement du dessin de Christophe Gaultier pour s’inventer une seconde jeunesse. En avalant les cases, on en vient même à redécouvrir des pans entiers du roman de Defoe.

mercredi, avril 25, 2007

La France a peur

Depuis son célèbre Retour à la terre, on sait que Manu Larcenet a délaissé la banlieue parisienne pour s’installer à la campagne. Dans La France a peur (Dargaud), dernière aventure en date du jeune Nic Oumouk, le talentueux dessinateur nous ballade habillement des villes-dortoirs en révolte au jardin potager d’un petit village de province. Condamné à des travaux d’utilité publique pour sa participation aux émeutes des banlieues, Nic se retrouve à cueillir des pissenlits pour une coopérative agricole spécialisée dans les produits bios. Obligé de dormir avec des poules vindicatives (de cruelles gallinettes cendrées de Limoux) et de se lever au chant du coq, l’apprenti casseur va vite apprendre que les paysages bucoliques cachent souvent des pièges à jeune citadin.

Farce dénonçant la dérive sécuritaire de notre société, cet album joue sur la confrontation pittoresque de deux mondes, pour nous proposer, sans en avoir l’air, une histoire de fraternité attachante. Du grand Larcenet en somme.

samedi, avril 14, 2007

Carthago

C’est dans les abysses d’une fosse marine océanique que débute Le Lagon de Fortuna (Les Humanoïdes Associés) de Christophe Bec et Eric Henninot. Des plongeurs d’une compagnie pétrolière exécutent un forage quand le trépan de leur foreuse débouche dans le vide d’une grotte sous-marine. Les monstres préhistoriques qui y avaient élus domiciles depuis des lustres se dispersent dans la nature et commencent à semer la terreur. Une dissidence cachée de Greenpeace tente de contrer la compagnie pétrolière dans sa tentative d’étouffer l’affaire. Scénario captivant, dessins sans bavure, ce premier album de la série Carthago possède toutes les qualités pour se transformer en succès de librairie.

samedi, avril 07, 2007

Le Janitor

“Par le dessinateur de la série Bouncer », peut-on lire sur la couverture de l’album Le Janitor (Dargaud). En retrouvant François Boucq, on espère aussi replonger dans les univers déjantés et fantastiques qui prévalaient dans La femme du magicien ou Bouche du diable, pour ne citer que quelques-unes des réalisations de ce dessinateur de talent. Il n’en est rien.

D’une facture classique et sur un scénario convenu de Yves Sente, Le Janitor nous balade dans les coulisses du Vatican. Le Vatican qui utilise des séminaristes d’élite – les fameux Janitors – pour assurer les sales petits boulots inhérents à la pratique du pouvoir. Récupération d’une relique sur l’île de Malte, protection d’un prélat de haut vol lors de négociations au sommet de Davos…, le temps d’un récit, on apprend que certains sbires de la curie romaine n’hésitent pas à jouer des épaules pour mener à bien leurs missions terrestres.

D’une facture trop classique, cette série abuse des poncifs du genre espionnage : mystères, poursuite en bagnoles et jolies pépées en vadrouille… Derrière la couverture, on sent trop la commande d’un éditeur désireux de réaliser un beau coup avec un duo d’auteurs reconnus. Ce qu’ils sont, mais pas ici.

jeudi, mars 29, 2007

Les Yeux de Leïla

Kessel, Saint Ex, Théodore Monod, et même les Scorpions du désert, de Hugo Pratt… Les références ne manquent pas quand il s’agit d’évoquer Les yeux de Leïla (Vents d’Ouest). Se limiter à ces seules évocations ne rendrait cependant pas hommage au travail de Jérôme Heydon. D’un trait simple, en déclinaisons chromatiques aussi tranchées que la chaleur ou le froid du Sahara, il réussit à esquisser l’amour, pas moins.
L’amour du désert, bien sur. L’amour des tribus targuies aussi. Mais surtout l’amour d’une femme : le seul capable de transformer un jeune écrivain en quête d’aventures en homme de doutes et de questions.
C’est fin, léché et bien construit. Si ce n’est pas du Delacroix, ça y ressemble parfois.

jeudi, mars 15, 2007

Pandemonium

Etablissement réputé des Etats-Unis en matière de traitement de la tuberculose, le Waverly Hills Sanatorium connut, entre 1920 et 1960, plus de 63 000 décès. Aujourd’hui en ruine, l’énorme bâtiment en forme d’ailes de chauve-souris, a été classé parmi les 10 endroits les plus effrayants de la planète. L’album Pandemonium (Les Humanoïdes Associés), de Christophe Bec et Stefano Raffaele, propose une plongée dans l’indicible histoire de l’hôpital. Fillette tuberculeuse et déjà condamnée par le bacille de Koch, la petite Cora sera votre guide. Comme elle parle aux morts, elle vous dévoilera les secrets les moins avouables du lieu. Classique dans sa construction, cette histoire abuse de toutes les ficelles du genre fantastique sans jamais les user pour autant. Bienvenue à Waverly, l’antichambre de la mort !

mardi, mars 06, 2007

Là où vont nos pères

Sublime ! Avec Là où vont nos pères (Dargaud), de Tan Shaun, on tient déjà un des albums phares de l’année 2007. Sans une ligne de texte, à la seule force de son trait soigné, le dessinateur australien arrive à construire une histoire d’une humanité déconcertante. Comme le père que l’on suit tout au long du récit, on est perdu lorsque l’on débarque en pays inconnu. L’univers paraît absurde, les objets sont incongrus, et l’on ne comprend pas pourquoi et où il faut aller. Ce n’est qu’en progressant dans l’histoire que l’on finit par appréhender ce monde étrange riche en promesses. Comme des millions d’humains, le père est là pour trouver un emploi synonyme de vie pour sa femme et sa petite fille restée au pays. Seul, il va devoir s’installer, se recréer des connaissances avant de pouvoir faire venir sa famille.
En prenant le parti de nous placer dans la peau d’un homme qui a dû se lancer dans le néant pour avoir le droit de vivre, Tan Shaun réussit à nous dérouter et à nous faire toucher la solitude d’un immigré économique. Du grand art, assurément.